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Entrevue avec Mme Fernande Saint-Martin, rédactrice en chef du magazine féminin Châtelaine, dans le cadre de l’émission Format 60 à Radio-Canada le 11 mars 1970. Elle explique, entre autres, que la pilule contraceptive offre à la femme le pouvoir de contrôler sa reproduction et donc, accroît le pouvoir qu'elle a sur son corps. Désormais, la sexualité féminine n'est plus essentiellement liée à la fécondation.
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L'avènement de la pilule [Journaliste]: Alors, dans le cadre de cette étude faite sur la sexualité aujourd'hui à l'Université de Montréal, madame Fernande Saint-Martin, qui est rédactrice en chef de la revue Châtelaine.
Madame Saint-Martin a fait un exposé, euh, intitulé, euh, dans lequel elle avait à répondre à la question suivante : « Est-ce que la contraception est un moyen de libération de la femme au départ ? » Eh bien, madame Saint-Martin précise sa pensée, euh, sur cette question-là. Madame Saint-Martin ?
[Fernande Saint-Martin]: L'émancipation de la femme a débuté au début du siècle, bien avant la pilule.
Elle est le résultat, je pense, du fait que la société industrielle a réduit, euh, disons en peu de mots, elle a réduit essentiellement le nombre d'enfants par famille. Que la femme s'est retrouvée alors avec des temps libres, des années d'activités possibles, des possibilités d'intégration. D'ailleurs, la société industrielle la sollicitait d'aller à l'extérieur travailler.
Et alors il s'est fait une longue et lente définition des interrogations de la part de la femme. Mais ce qui se produisait jusqu'ici, c'est que malgré tout, le fait que la sexualité féminine soit liée d'une façon quasi inéluctable avec la fécondation, a fait que c'était extrêmement difficile de voir une solution aux problèmes réels de la femme.
La fonction maternelle, d'une certaine façon, et depuis des siècles, obligeait la femme à s'abstraire de la société; à demeurer à la maison pour élever les enfants.
Avec la contraception, euh, évidemment la femme devient, euh, libre de son choix.
Elle devient libre de son choix, dans une société qui trouve de moins en moins valable la reproduction.
[J]: Et c'est avec de meilleurs moyens de contraception…
[FSM]: Avec des moyens... Avant, elle demeurait, euh, les risques de hasards et d'accidents devenaient si grands que finalement la femme en dépit de toutes ces ratiocination se retrouvait dans la même situation où elle avait des enfants.
Maintenant, c'est possible de ne pas avoir d'enfants.
C'est possible de ne pas avoir d'enfants dans une société qui ne cherche plus à avoir d'enfants. Alors d'une certaine façon, la femme devra se justifier si elle a des enfants, parce qu'elle le veut; qu'elle trouve que la création de la vie est une valeur supérieure.
Et sur le plan personnel, je pense, c'est là que les, les répercussions seront les plus grandes parce que ça permettra, je crois, une émancipation, si l'on veut, ou une maturation, euh, que la femme n'a pas pu connaître jusqu'ici parce que sa sexualité, selon moi, a toujours été, d'une certaine façon, traumatisée, dès l'adolescence, par la révélation que la vie sexuelle féminine était liée à la maternité.
Ce qui, je crois, a empêché la sexualité féminine de se développer; a encouragé des attitudes de passivité; a encouragé la crainte, l'angoisse... En fait, tout ce qui a fait de ce caractère si particulier de la femme au cours des siècles passés.